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93% de la communication passe par le non verbal. Vraiment ?

D’après certains, la communication en public se ferait essentiellement par le non-verbal.  En réalité, c’est (beaucoup) plus compliqué que cela.


« Mehrabian l’a démontré : 93% de la communication vient du non-verbal ». La simplicité de cette affirmation, entendue lors d’une formation à la parole en public, a de quoi rendre perplexe. Car, si elle est vraie, elle dévalorise le contenu d’un discours. A quoi servirait-il de préparer méticuleusement une intervention si un bon acteur lisant le bottin était plus persuasif qu’un orateur ayant travaillé des heures pour affiner son discours ? Dans cet article, nous allons voir ensemble quelle est l’importance relative du contenu d’un discours, le verbal, par rapport à la prononciation de celui-ci, ce qu’exprime le langage non-verbal.
Pour cela, nous allons examiner les expériences conduites par Mehrabian et comment il en a tiré l’affirmation précédente, puis nous aborderons des considérations plus générales sur l’importance relative du verbal par rapport au non-verbal.

LA PREMIÈRE EXPÉRIENCE DE MEHRABIAN

Albert Mehrabian, un psychologue américain, a mené, en 1967, deux expériences sur la communication. Elles visaient à évaluer l’importance relative des trois canaux qui composent la communication orale:

  • Verbal, c’est-à-dire le contenu du discours
  • Vocal, l’intonation de la voix
  • Corporel, l’expression du visage et les gestes.

La première expérience avait pour but d’évaluer l’importance relative du canal verbal par rapport au canal vocal. Pour cela, il demanda à deux femmes de prononcer chacune 9 mots différents (trois à teneur positive comme « merci », trois neutres comme “peut-être”, trois à connotation négative comme « brute »). Chaque mot était prononcé avec trois intonations différentes (une positive, une neutre, une négative). Le tout générait 27 expressions différentes (9 mots x 3 intonations). Mehrabian demanda ensuite à des auditeurs de juger, parmi ces 27 expressions, quel sentiment éprouvaient ces femmes à l’égard de la personne à qui le message était adressé. Ce sentiment était-il positif (par ex. elle l’aime) ou négatif (par ex. elle ne l’aime pas)?

Il découvrit que le jugement se formait grâce aux intonations de la voix, plutôt que grâce au contenu du message. En particulier, lorsque les canaux se contredisaient (par ex. un mot négatif prononcé avec une intonation positive), l’intonation de la voix avait la primauté. Mehrabian a observé que le ton de la voix avait 5,4 fois plus d’importance que le mot prononcé.

LA SECONDE EXPÉRIENCE

Au cours de la seconde expérience, les deux femmes ne prononçaient qu’un seul mot (le mot neutre « peut-être ») avec trois intonations différentes et trois expressions du visage différentes (positive,  neutre, négative), soit neuf possibilités. Il trouva que l’expression du visage était 1,4 fois plus importante que l’intonation de la voix pour juger du sentiment de l’oratrice. En combinant les deux études, il en déduisit les poids respectifs du contenu, de l’intonation et de l’expression du visage. Soit 7%, 38% et 55% respectivement et, donc, que 93% du jugement se formait à partir des signaux non-verbaux.

LES CRITIQUES ADRESSÉES A MEHRABIAN

Ces deux expériences on fait l’objet de nombreuses critiques.

Tout d’abord, aucune des deux n’a évalué les trois canaux de communication simultanément.

Ensuite, il s’agissait d’un type de jugement très particulier, le jugement affectif qui porte sur les sentiments: l’émetteur du message apprécie-t-il le récepteur du message? Elles n’ont pas évalué les jugements cognitifs qui s’intéressent à la signification du discours. Encore moins les jugements engendrés chez le récepteur.

Enfin, les mots étaient prononcés hors de tout contexte alors que, dans la vie réelle, ce contexte est fondamental pour juger, en particulier s’il y a d’autres informations que celles véhiculées par les trois canaux1.

Les études postérieures n’ont jamais réussi à démontrer la primauté du non-verbal sur le verbal. Ni celle de l’expression du visage sur la gestuelle. Par exemple, quand les trois canaux de communication (verbal, vocal, corporel) se contredisent, certaines études montrent que le canal négatif, verbal ou non-verbal, emporte la décision. Si je dis « je te déteste » avec une voix amicale, l’auditeur conclura que mon sentiment est négatif.

En fait, Mehrabian a essentiellement montré une banalité. Les auditeurs interprètent les sentiments de l’orateur à l’égard du récepteur à l’aide du contenu du discours, de son intonation et du langage corporel. Mais l’importance relative de ces facteurs dépend, en réalité, des circonstances.

LE PLUS IMPORTANT : VERBAL OU NON-VERBAL ?

Alors, que peut-on dire de l’importance relative des trois canaux de communication ?

Sans surprise, dans les jugements cognitifs, le canal verbal (contenu du discours) importe plus que dans les jugements affectifs. Cette importance croît avec la quantité d’information véhiculée.

Pour sa part, le canal vocal (la voix) est important pour juger  l’assurance, la sincérité et l’intensité du sentiment d’un orateur. Le canal visuel (visage et  gestes) est crucial pour juger si l’orateur est bien ou mal disposé à l’égard du récepteur. Cependant, si le canal vocal ou verbal contredit le canal visuel, celui-ci aura moins de poids.

Un cas particulièrement complexe est celui des jugements quant à la sincérité de l’orateur. Lorsque le canal verbal et les canaux non-verbaux se contredisent, l’auditeur suspecte un manque de sincérité. Le canal verbal pèse alors plus que les autres canaux. Il prend d’autant plus d’importance que son contenu est plausible et s’oppose aux intérêts de l’orateur. L’auditeur qui suspecte un manque de sincérité accordera également moins d’importance à l’expression du visage. Et davantage à la voix et au langage du corps.

Enfin, le genre, masculin ou féminin, de l’orateur et du récepteur affecte l’importance relative des canaux. Pour une femme, le public donne plus d’importance au contenu et à la voix que pour un homme. Quant à l’homme, il écoute en attachant moins d’importance au langage non-verbal qu’une femme.

POUR ALLER PLUS LOIN

Tout cela vous paraît un peu compliqué, n’est-ce pas ? Pour ma part, la leçon que j’en retiens est de veiller à la cohérence des trois canaux.

Qu’en pensez-vous ? Pourquoi n’expérimenteriez-vous-pas vous-même dans ce laboratoire de la communication qu’est la soirée Toastmasters ? Pour nous rendre visite, c’est ici.

 

Footnotes
1    Par exemple, si l’émetteur frappe l’orateur, cela sera sans doute interprété comme un signal négatif…

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Comment affûter votre prise de parole avec une bonne proposition ?

Construire son discours autour d’une proposition claire permet d’en renforcer l’efficacité

Un des bénéfices de ma longue expérience en tant que Toastmaster est d’avoir écouté près de 600 discours. Au fil du temps, j’ai constaté qu’une des erreurs les plus funestes que commettent même les orateurs chevronnés est de ne pas structurer leur prise de parole autour d’une proposition[1]. Dans ce billet, nous allons expliquer ce qu’est une proposition, à quoi elle sert et comment l’élaborer.

Qu’est-ce que la proposition d’un discours ?

Une proposition est une affirmation que l’on peut défendre, illustrer ou prouver et sur laquelle on peut argumenter. Voici quelques exemples :

  • Un homme politique: « Ce plan de relance va accroître le pouvoir d’achat de la classe moyenne ».
  • Un chef d’entreprise : « Cet investissement dans la recherche va permettre à notre entreprise de rester compétitive ».
  • Un commercial : « Ce produit va améliorer votre rentabilité ».
  • Enfin, pour une mère de famille : « Epargner maintenant te permettra d’acheter un appartement plus grand »

La proposition est la colonne vertébrale d’un discours. Sans elle, le discours est mou, sans consistance et offre finalement peu de valeur à l’auditoire. Avec une proposition claire, l’orateur présente à son public une idée que ce dernier pourra digérer, garder en mémoire et, même, en tirer bénéfice. Elle renforce la cohérence du discours et le rend plus facile à mémoriser également pour l’orateur.

Les trois tests d’une bonne proposition

Le coach de parole en public Joel Schwartzberg explique dans son livre “Get to the Point” comment formuler concrètement une bonne proposition. Elle doit satisfaire trois tests.

Tout d’abord, elle doit être une proposition au sens grammatical, c’est-à-dire comporter un sujet un verbe et un complément Ainsi “le rôle de la Révolution Française dans l’émergence de la démocratie” n’est pas une proposition, puisqu’il lui manque un verbe. En revanche “la Révolution Française a joué un rôle déterminant dans l’émergence de la démocratie dans ce pays” est une proposition grammaticalement correcte.

Ensuite, la proposition ne doit être ni une évidence, ni une banalité. Si on ne peut pas soutenir la proposition inverse, alors c’est probablement une évidence. Si on ne peut pas consacrer plus d’une minute pour la défendre, il s’agit sans doute d’une banalité. Ainsi, la proposition “La paix dans le monde est une bonne chose” est une banalité, tandis que “Les Nations Unies jouent un rôle crucial pour préserver la paix dans le monde” va permettre d’élaborer en répondant à des questions comme : quelles sont les missions des Nations Unies ? ou bien quelles sont les guerres où elles ont joué un rôle ?

Même si une proposition a passé avec succès les deux tests précédents, elle restera pauvre, si elle comporte des mots faibles, peu évocateurs, comme “important”, “bien”, “super”, “génial”, etc. Pour la renforcer, se poser la question “Pourquoi ?” est utile. Par exemple, la proposition “Recruter un manager de communautés de réseau social est important” est faible. Pourquoi est-ce important de recruter un tel manager ? Parce qu’il peut aider à créer un buzz positif autour de la marque. L’idéal est encore d’éviter totalement les adjectifs.

Pour aller plus loin

En conclusion, la prochaine fois que vous prendrez la parole pour exprimer une idée, ne vous contentez plus de la décrire ou de la discuter. Adoptez un point de vue, marquez un point et musclez votre parole par une bonne proposition.

Envie d’écouter des discours avec de bonnes propositions ? Venez donc nous rendre visite ici.

[1] Proposition est la traduction du mot anglais “point”

 

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